✪ Identité sexuelle et psychose : cas clinique


« Comment faire l’homme ? » Sur la question de l’identité sexuelle dans un cas de psychose chez un homme

 

L’information Psychiatrique, Volume 89, numéro 6, Juin-Juillet 2013


INTRODUCTION
Naître mâle ou femelle ne suffit pas pour inscrire l’être humain en devenir dans une identité sexuelle d’homme ou de femme. Pour un sujet relevant de la névrose ou de la perversion, cette identité trouve à se mouler bon an, mal an, dans des repères culturels constitués en référence commune centrée sur la loi de l’interdit de l’inceste. Celle-ci étant fondée sur la fonction symbolique du langage qui, dans nos civilisations patriarcales et monothéistes, est encore représentée par le père et ses figures institutionnalisées.
Que se passe-t-il alors pour un sujet inscrit dans la psychose, campé dans son incroyance foncière en la capacité supposée du père de faire tampon avec la jouissance énigmatique de l’Autre ? Ce sujet se maintient dans le refus d’intégrer les coordonnées inconscientes d’un discours établi censé, a priori, lui confectionner des moyens prêts-à-porter pour baliser les contours de son identité psychosexuelle et orienter son désir vers l’autre sexe. Comment va-t-il alors se débrouiller pour trouver, voire inventer, de quoi assurer à cette identité une base possible et une certaine stabilité ?
Dans la clinique des psychoses, il importe de faire la distinction entre des phénomènes qui concernent des plans différents et produisent des effets de valeurs inégales : il y a, d’une part, le processus de féminisation dans lequel le sujet psychotique engage tout son être sexué, dans la mesure où il ne compte pas sur un savoir référé au père et, d’autre part, les tendances et pratiques hétéro- ou homosexuelles, qui relèvent d’un plan second, celui du choix d’objet et qui permettent au sujet psychotique, à travers un choix d’objet narcissique, de soutenir son désir et tenir une place en tant qu’homme ou femme.
Quant à l’homosexualité, elle peut ou pas être présente dans le procès de la psychose. Certains sujets psychotiques peuvent, et parfois doivent, y recourir lorsqu’il s’agit pour eux d’élire un objet sexuel leur procurant aussi une certaine protection contre l’irruption de la jouissance de l’Autre et du même coup, leur permettant de s’assurer d’une identité sexuée. Cependant, pour d’autres sujets, en revanche, l’homosexualité comme mode de polarisation du désir sexuel peut rester parfaitement ignorée comme pour Schreber par exemple, voire rejetée fermement et refusée avec acharnement comme dans le cas de notre patient comme on va le voir.
Il va s’agir ici d’une relation clinique avec un jeune homme d’une vingtaine d’années, originaire du Moyen-Orient et de culture arabo-musulmane. Cette relation, qui a durée deux ans et demi, va être dominée par trois préoccupations majeures qui vont scander tour à tour sa progression. En bref, dans un premier temps, ce sont des difficultés relationnelles avec les femmes dont il va d’abord se plaindre, ne sachant comment leur parler ni comment maintenir le dialogue avec elles. Par la suite, il va pouvoir s’ouvrir sur la question de l’homosexualité qui l’angoisse depuis longtemps, pour qu’enfin, ses cogitations s’orientent vers une perspective totalement inattendue, jalonnée par l’apparition de phénomènes corporels que le sujet lui-même qualifie de signes, plus ou moins discrets, de féminisation.
« FACE À UN BEL HOMME, UNE FEMME »
Sa plainte première, avons-nous dit, concerne ses relations difficiles avec les filles. Non pas qu’il ait du mal à séduire une fille, c’est une chose aisée pour lui d’autant qu’il est beau garçon et il le sait. Son problème est de ne pas savoir comment maintenir une relation dans la durée. Déjà, se trouvant seul en présence d’une fille, une sorte de peur le saisit. Pas la peur de quelqu’un ou de quelque chose, mais que la fille ne le trouve ridicule ou qu’il fasse une bêtise devant elle.
À l’évocation du mot « bêtise », il rappelle l’éducation qu’il a reçue de son père et qui est « basée sur la punition et rien d’autre ». À chaque bêtise commise en groupe, il était le seul enfant à être réprimandé ou tapé par son père devant tous les autres, qu’il soit fautif ou pas.
Néanmoins, notre sujet ne manquait de rien sur le plan matériel. Seulement, cette éducation paternelle ne lui a pas permis de développer les valeurs nécessaires à la vie en société et d’acquérir les moyens de communication qui feraient de lui un homme. C’est son défaut au niveau de la communication qui fait qu’il ne sait pas ce que veut une femme à son endroit. Face à elle, ses mots disparaissent. « Ne pas savoir quoi dire, dit-il, c’est ne pas avoir de maîtrise sur sa propre personne et donc ne pas être un homme. »
En effet, ce père trop présent par le châtiment s’avérera complètement démissionnaire de sa tâche on ne peut plus humaine, celle de transmettre à son fils les manières de s’introduire dans le lien social en lui apprenant comment accuser réception d’une parole et de la rendre, comment soutenir son être sexué face à l’autre sexe pour le satisfaire et s’en satisfaire. C’est quand notre sujet se trouve appelé à faire preuve de son être sexué en tant qu’homme et à assumer, de cette place là, une parole qui lui soit propre et qui l’engage en personne dans sa rencontre avec l’autre sexe, qu’il se trouve désemparé et sans ressources pour soutenir une position quelconque. Du coup, il se trouve confronté au vide angoissant creusé par le défaut de la boussole phallique.
Ce manque d’apprentissage, comme il le qualifie si naïvement, il le met aussi sur le compte de sa position de garçon trop couvé par sa mère. Une mère qui ne l’aime que trop et à qui il veut rendre le change. Il tient à la protéger de la rudesse et de la brutalité avec lesquelles son père la traite et espère lui redonner l’amour qui lui manque. En évoquant cette relation privilégiée à sa mère, il rapporte un rêve qui remonte à son enfance mais qui reste très vif dans sa mémoire : il se voit partir avec son père en mer pour pêcher. Il attrape un poisson, en voit un autre et cherche à l’attraper mais perd le premier et ainsi de suite. Devant cette situation, son père lui fait dans le rêve, l’interprétation suivante : « Si tu veux attraper toutes les femmes, tu finiras par n’en avoir aucune ». Interprétation qu’il trouve juste en effet. Cependant, par ses récriminations et plaintes répétées, le sujet fait montre que son père ne lui a transmis aucun savoir-faire pour soutenir sa parole et assumer son identité sexuelle. Il ne lui a pas « appris » comment faire avec ses insignes de virilité et comment négocier avec une femme son entrée dans le discours commun et participer à la danse des sexes. Le père n’a-t-il pas ainsi failli à sa tâche qui consiste à orienter le désir de son fils, permettant justement à ce désir de se négocier à l’aune de la commune mesure qui fait discours et fonde le lien social ? En un mot, il ne lui a pas « enseigné » les codes de la communication qui auraient pu arrimer son être sexué au signifiant et capitonner son message au code établi.
Et c’est ainsi que plus notre sujet avance dans l’âge, plus l’idéal de virilité promu par son milieu lui pose problème. Dans ce milieu, dit-il, la responsabilité de la famille revient à l’homme, c’est à lui que revient les décisions les plus importantes et le dernier mot. Comment peut-il alors aspirer à un tel statut puisqu’il n’a pas développé les dimensions lui permettant d’y accéder.
Du fait de ce « défaut d’apprentissage », il estime n’avoir jamais pu décider de quoi que ce soit de lui-même sauf à s’occuper de ses études dans lesquelles il a toujours excellées. Excellence d’ailleurs qui lui a toujours assuré une position admirable aux yeux des adultes et enviable par rapport aux plus jeunes. La réussite scolaire a, depuis son enfance et jusqu’à récemment, joué un rôle important dans le soutien de son image. Elle a parfaitement tenu comme suppléance au défaut phallique dont il a très tôt repéré les effets soutenants.
Par ailleurs, il aime les femmes, mais c’est à partir d’une position qu’il qualifie lui-même de passive puisqu’il ne cherche qu’à se mirer dans leur regard. En fait, il s’aime trop, dit-il, pour aimer les femmes. Ces déclarations révèlent le type narcissique de ses choix d’objet. Elles donnent à comprendre comment, dans son effort à incarner ainsi le signifiant du désir qui se miroite dans le regard et dans sa recherche à être le phallus qui manque à ces dames, c’est la voie de l’identification féminine qui reste à sa portée et qui lui offre, faute d’arrimage phallique, la pente glissante vers sa féminisation.
Il se rappelle que depuis sa toute petite enfance il était déjà frappé par la sidération qui happait tout son être devant la beauté des quelques jeunes femmes de son entourage et dans le regard desquelles il se sentait littéralement englouti. Il évoque aussi la polarisation précoce et prononcée de son attention, aux alentours de la puberté, par les magazines recouverts d’images de belles femmes régulièrement feuilletés par le père dans son petit atelier de tailleur de vêtements féminins. Depuis, il est devenu, dit-il, trop perméable au regard. Il se souvient encore de ces moments de sa vie d’élève, lorsqu’il lui arrive de croiser une ou plusieurs filles de son collège, où une tension indescriptible l’envahit, tout préoccupé qu’il était à deviner l’image qu’il offrait à leurs regards. Et même actuellement, il ne manque pas de constater les efforts énormes qu’il fournit auprès de sa copine nouvellement conquise pour donner de lui une image admirable. Cette prégnance du regard va jusqu’à englober la totalité de ses relations à autrui. L’image qui l’a soutenu aux yeux de tous était celle de l’élève parfait et rien d’autre.
En arrivant en France, quelque quatre années avant nos rencontres, il retrouve moins le soutien de ce regard collectif qui, auparavant, moulait son existence et il va tenter de le recréer auprès du groupe de copains. Sous leur regard, il parvient à se montrer à l’aise pour accaparer l’attention des filles et engager la conversation avec elles. Cette identification du sujet à une image d’homme aux yeux de ses copains parvient ainsi à le soutenir pour un temps en lui procurant un plus de semblant dans sa rencontre avec l’autre sexe. Mais cet appui imaginaire va se payer par une surconsommation d’alcool et de drogue entre copains, ce qui réduira à néant les résultats de la première année universitaire.
UNE HOMOSEXUALITÉ PAR COMPARAISON
Après presque une année d’entretiens, il arrive à une séance, préoccupé et très inquiet, articulant à peine ses mots pour me dire sa crainte que ce problème avec les femmes ne le conduise vers le choix de l’homosexualité. Ce sera la première fois qu’il va oser s’ouvrir sur ses craintes de devenir homosexuel.
Ces idées d’homosexualités s’imposaient à lui partout : lorsqu’en boîte de nuit, des garçons s’approchent trop de lui ou lorsqu’à la télévision, son regard tombe sur le corps dénudé d’un bel homme, etc. Lorsqu’il croise un couple, il s’entend dire : « Pourquoi lui et pas moi ? » Autrement dit, pourquoi ne peut-il pas, lui aussi, être en place de l’homme dans un couple.
Il précise qu’il y a deux positions par rapport à l’homosexualité : d’une part, celle où la personne y est entraînée par désir et ce n’est pas son cas et, d’autre part, celle le concernant et où les idées d’homosexualité viennent à l’esprit par comparaison. « Dans tous les cas, dit-il, ces idées s’imposent à moi lorsque je vois un homme fort et costaud, car j’estime que celui-ci doit être capable de gérer correctement sa vie. »
Néanmoins, sa plus grande crainte est de voir ces idées du second type se transformer en celles du premier. S’il se trouve obligé de prendre cette orientation, il se suiciderait. « Plutôt la mort que ça », affirme-t-il.
Autant qu’il s’en souvienne, ces idées semblent prendre racine dans un incident survenu vers l’âge de huit ans et qui l’a terrifié sur le coup. Un garçon beaucoup plus âgé l’a détourné de force de son chemin et lui a pris les quelques pièces d’argent qui se trouvaient sur lui. Il s’est senti en outre profondément terrorisé à l’idée que l’agresseur ne le viole. « C’était, dit-il, la plus grande peur de ma vie ». Cette déclaration nous autorise à faire l’hypothèse que l’inconsistance de son identification à l’homme dans le « pourquoi pas moi ? », produit pour le sujet un glissement instantané vers la place de la femme et donc vers la position d’un objet sexuel que peut être la femme pour l’homme du couple. Ce glissement qui se produit là, me semble reproduire le glissement métonymique du vol effectif de son argent au viol profondément redouté, laissant le sujet face à l’angoisse de mort sans le secours d’une quelconque protection.
C’est aussi pendant son enfance et jusqu’à ses 15 ans, estime-t-il, que se développe ce problème se rapportant à la communication et qui va faire ébranler les assises du bâti langagier chez lui. Depuis très tôt déjà, il a noté que même parmi ses petits copains, sa parole n’avait pas de poids et ce qu’il disait ne comptait jamais. Ce qui, en grandissant, va se transformer en un sentiment de complète soumission aux idées des autres dont il devait tout accepter. « Je me retrouve ainsi, dit-il, dans une position de docilité et de soumission, position qui est celle d’une femme. »
Face à l’intolérable d’une éventuelle féminisation en perspective – à l’instar de la répugnance de Schreber devant son fantasme d’être une femme subissant l’accouplement –, le sujet s’est « révolutionné », dit-il, vers ses 16-17 ans, où il s’est engagé dans l’opposition systématique. Il était « trop naïf » puis il est devenu « trop méfiant ». Méfiance qui se traduira par son entêtement à contredire l’autre dans l’unique objectif de se prouver à lui-même qu’il peut soutenir une opinion propre. Dans les échanges avec les autres, son credo est désormais : prendre le dessus sur l’autre, le dominer, car, dit-il, « même au niveau des échanges verbaux, il est question de vie ou de mort. C’est une quasi-confrontation à mort où pour ne pas laisser sa peau, il y va de celle de l’autre ».
Quant au déclenchement de ses préoccupations homosexuelles, il est concomitant à cette métamorphose sur le plan de la communication et plus précisément, à la suite des propos d’un copain qui lui dit, entre autres, en le taquinant : « Tu es un pédé ou quoi ? » Il me dit se rappeler exactement de sa réponse à lui qui est de lui rétorquer que oui, en rigolant, pour lui signifier que pas du tout. Mais quelques jours après cet échange, la peur d’être effectivement homosexuel a pris possession de son esprit. C’est à cette occasion, peut-on dire, qu’il y a eu pour lui irruption d’Un-père (Lacan, 1966 ; p. 544.), provoquant en effet la cascade des phénomènes imaginaires qui se résument pour notre sujet en ses craintes envahissantes de subir des actes homosexuels.
Ces craintes qui ont commencé à s’imposer à lui depuis ses 18 ans, à raison de deux à trois fois par an, se sont renforcées à la suite d’un autre incident survenu un an plus tard. En écoutant un ami lui expliquer sa manière de draguer une fille, il s’est imposé à son esprit l’idée d’être la fille en question dans les propos de cet ami. À partir de là, la fréquence de ces idées s’est accélérée en passant à une fois par semaine en moyenne. Actuellement, les interprétations qui découlent de ces préoccupations le submergent complètement. Elles s’imposent à lui jour et nuit et quelles que soient la situation où il se trouve et la position corporelle qu’il prend : assis sur une chaise pour travailler, debout pour préparer le repas, décontracté en compagnie de ses copains, accroupi en faisant ses prières. Bref, ces idées insistent tellement, dit-il, qu’elles l’empêchent même de dormir.
Cette imposition contraignante et accrue de ces idées d’homosexualité signe, avec une force proportionnelle, ce qui fait défaut dans son rapport à son identité sexuelle d’homme. Et c’est justement pour palier à ce défaut que le sujet va avoir recours de façon assidue à certaines normes et valeurs socioculturelles comme repères pour tenter de construire une suppléance à ce défaut.
COMMENT FAIRE COUPLE ? UNE MISSION IMPOSSIBLE
Quelques mois plus tard, il estime que nos entretiens l’ont aidé à comprendre que ses préoccupations homosexuelles constituent un moyen de traduire sa difficulté à coïncider avec le statut d’homme. Ils lui permettent également de tenter de les contenir. Son esprit se trouve désormais dégagé pour mettre en place certaines dispositions concrètes lui permettant d’abord d’acquérir les principes de conduite à mettre en pratique. Voici, de manière condensée, les principales de ces dispositions :
o   –. premièrement, il a renoncé à conquérir les filles en compagnie de ses copains. Plus de sorties nocturnes. Il pense sérieusement à la solution du mariage qui pourrait l’aider à résoudre ce problème d’homosexualité. Ce qu’il cherche, dit-il, c’est : « avoir une épouse, un foyer et des enfants comme tous les hommes dignes de ce nom » ;
o   –. deuxièmement, il s’est mis à consulter des sites Internet arabes à propos des questions de fiançailles et de mariage. Il y cherche, dit-il, des conseils de gens expérimentés pour ne pas commettre d’impairs pendant les fiançailles et surtout à la suite du mariage. Il s’y documente aussi et surtout sur ce qu’est être un homme et la façon dont il doit se comporter pour y correspondre. Il y a appris, par exemple, que les hommes, contrairement aux femmes parlent peu et « quand ils l’ouvrent » c’est souvent pour dire juste. Lui aussi aime bien dire exactement ce qu’il pense, mais comme cette recherche d’exactitude dans la parole se combine pour lui à son envie impulsive d’être admiré par son interlocuteur, il finit par se perdre dans la recherche des mots justes ;
o   –. troisièmement, il commence à veiller rigoureusement sur la pratique des préceptes religieux. Ces derniers temps en effet, il venait en séances avec une marque de plus en plus visible sur le font, signant une pratique vigoureuse de la prière qu’il a commencée depuis un an et demi déjà. Cette pratique, doublée de sa documentation assidue en matière d’Islam, lui procure les principes qui lui permettent de ne pas errer dans tous les sens. Cela constitue pour lui, comme il le dit, « la théorie nécessaire » qui lui manquait pour orienter ses agissements ;
o   –. quatrièmement, il reprend un art martial qu’il a pratiqué vers ses dix à 14 ans. Déjà à cette époque, ce sport l’a énormément aidé à surmonter l’état de soumission dans lequel il se trouvait face aux autres. S’il le reprend maintenant, c’est pour acquérir plus de confiance en soi. « C’est un sport d’homme » précise-t-il par la suite ;
o   –. cinquièmement, il m’informe d’une autothérapie empruntée au Net. Celle-ci consiste à se munir d’un briquet et à chaque fois qu’une idée d’homosexualité pointe son nez, il se brûle la main. Ainsi, « la douleur de la brûlure, a-t-il appris, s’associe à l’idée et l’emporte. Le feu comme représentant de l’enfer, explique-t-il, entraîne ces idées avec lui à la géhenne, le lieu de leur origine ». Il me demande ce que j’en pense et sans attendre ma réponse que j’ai sciemment suspendue, il ajoute en riant que « ça ne fait pas de mal d’essayer », arguant que, bien évidemment, l’essentiel est dans le travail de parole que nous menons. Il sait maintenant, me dit-il, qu’il pourra, avec le temps, venir à bout de ces idées et il trouve heureux qu’elles se manifestent maintenant et pas quand il sera en responsabilités professionnelles et familiales.

Voilà donc résumées les quelques directions que le sujet a empruntées et les moyens qu’il a utilisés et qu’il utilise encore pour tenter de soutenir sa protestation contre la menace portée à sa virilité. On voit bien ainsi comment, faute de pouvoir assumer une position sexuée et engager sa propre parole à partir d’elle, le sujet a dû recourir aux insignes prêts-à-porter de la masculinité configurée par l’imaginaire collectif de sa socioculture. Il cherche décidément à organiser sa vie et à orienter son devenir en fonction de ces quelques convenances placées au niveau de l’idéal viril. Cependant, ces tentatives de suppléances vont s’avérer, à des degrés divers, plus ou moins inefficaces à tempérer l’angoisse devant le vide creusé par la forclusion du Nom-du-Père et la carence de la signification phallique.
Vers le milieu de nos rencontres, il s’absente, à l’occasion des vacances d’été, pendant à peu près trois mois et revient après un coup de téléphone dans lequel il m’annonce qu’il se porte très mal. Il constate que l’intensification, ces derniers temps, des idées d’homosexualité, correspond à son intention de se marier. Sa plus grande difficulté « c’est de faire couple », dit-il. Il se sent dans l’incapacité de « fondre un couple », précise-t-il, mais il cherche néanmoins à avoir mon avis sur son projet de mariage. Je lui retourne la question et il me fait comprendre que c’est en effet un peu prématuré et qu’il espère d’abord régler ce problème psychologique qui le tracasse tant mais qui commence à s’éclaircir pour lui.
D’ailleurs, les idées d’homosexualité qui s’imposent à lui lors de sa rencontre avec une femme commencent à se dissiper par le biais des principes religieux qui exigent, entre autres, ne pas connaître une femme avant le mariage. En revanche, ce qu’il n’arrive à négocier que très difficilement, ce sont les interprétations qui apparaissent face aux hommes à l’égard desquels il s’estime être, précise-t-il, « en position passive, sur le point de subir l’acte sexuel ». Et cela le met dans un état d’angoisse indescriptible.
Ce propos de notre patient n’est pas sans rappeler à notre mémoire le fantasme de Schreber que « ce doit d’être une chose singulièrement belle que d’être une femme en train de subir l’accouplement » (Schreber, 1975 ; p. 46). On sait que dans un premier temps, Schreber va se défendre contre ce fantasme puisque dans ses rapports avec son médecin, il se trouve imaginairement dans la position d’être abusé sexuellement. Ce qui est pour Schreber, strictement équivalent d’un « meurtre d’âme » sur sa propre personne. Et c’est dans un second temps, avec le développement de son délire, que Schreber va se réconcilier avec ce fantasme en projetant de devenir, dans un avenir lointain, la femme de Dieu en faisant naître une nouvelle humanité. Quant à notre patient, il est pareillement en position de se défendre contre l’idée de devoir être abusé sexuellement. Mais il se présente aussi comme s’il préparait le terrain au temps suivant qui consisterait à se réconcilier avec cette pente à sa féminisation qu’il refusait avec ténacité à travers son rejet absolu de l’idée d’homosexualité et dont il ne voit pour l’instant de rechange que la mort.
Ainsi, quand il voit, même de loin, une femme qui l’attire, ce n’est pas son sexe qui est excité, comme se pourrait être le cas pour un homme, dit-il, mais il a des sensations au niveau de ce qu’il appelle les parties féminines du corps : les cuisses, les fesses et la poitrine.
À la fin de cette même séance, il me demande si je pense qu’il peut guérir et si je n’ai pas rencontré de cas similaires ayant guéri, car il ne voit pas d’autre solution, « c’est une question de vie ou de mort ». Je lui explique que tout est possible mais que chaque situation est singulière et qu’il y a autant de solutions que de ressources en chaque personne. Et tout en m’informant qu’il a commencé à reprendre quelques médicaments d’une prescription arrêtée de lui-même il y a quelques mois, il me demande alors si les médicaments ne peuvent pas l’aider un peu. Il se demande aussi si son problème n’est pas une question d’hormones, peut-être un trop de progestérone !
Il écarte très vite cette hypothèse la séance d’après pour soutenir qu’il s’agit plutôt d’un problème de communication, comme il l’a toujours pensé. Un des pendants de ce problème, explique-t-il, c’est de ne pas posséder de repères lui permettant d’interagir avec les gens et surtout les supérieurs hiérarchiques, en fonction de leur statut et rang socioprofessionnel. C’est ainsi qu’il explique le ratage de son premier stage de fin d’études, ce qui lui donne à craindre pour son avenir professionnel.
Il ne sait pas négocier, dit-il, et alors, soit il accepte tout et se trouve donc totalement soumis à la volonté de l’autre, soit il refuse tout. Dans son nouveau lieu de stage mené dans une ville voisine, il se trouve n’avoir affaire pratiquement qu’à des hommes, ce qui fait flamber encore plus fort les interprétations homosexuelles. « Mon inconscient, dit-il, s’exprime désormais ouvertement sans peur et sans honte et cela me préoccupe encore plus d’autant qu’il me submerge ouvertement. »
Quelques séances plus tard, il m’apprend que la solution du mariage n’est plus de mise, du moins dans l’immédiat. Se marier est une grande responsabilité et il ne veut pas prendre le risque de s’y engager comme ça, à la légère. « Il faut d’abord, dit-il, établir ce qui me fait essentiellement défaut, c’est-à-dire les codes des relations sociales, les attitudes appropriées à chaque situation et que je n’ai pas apprises ».
Devant sa plainte réitérée de son manque supposé d’apprentissage, je lui fais remarquer qu’il est possible d’inventer des moyens qui l’aideraient à construire ce qu’il n’a pu acquérir. Idée à laquelle il s’est montré très sensible et propose de tenter de renforcer les situations qui augmenteraient son statut d’homme et de répertorier, pour les contrecarrer, toutes les situations qualifiées de négatives. Comme ça, dit-il, « j’établirai des frontières entre ce que je veux et ce que je ne veux pas être ».
On peut deviner aisément derrière cette élaboration son investissement encore massif des recommandations de conduites trouvées sur le Net et exploitées entant que codes de comportement ou des modes d’emploi pour un savoir-être. L’exploitation active mais discrète de ces recommandations de la part du sujet m’a donné le sentiment d’être mis en position, pendant un très long moment de cet accompagnement psychanalytique, de tenir le rôle de superviseur d’une autothérapie cognitivocomportementale appliquée de pied ferme par le patient à lui-même.
Il ouvre la séance suivante pour me dire qu’il se sent beaucoup mieux. Il n’est plus comme avant, sans courage, anxieux et fatigué. Maintenant, il s’organise, pense et agit mieux. Il arrive ainsi à circonscrire ce qui le débordait. Depuis quelques semaines, il recommence à s’intéresser sérieusement à ses études et connaissances en communication. Actuellement, il se sent confiant pour son avenir professionnel.
Il constate aussi qu’il est moins déstabilisé dans son identité en présence des hommes et encore moins en présence des femmes, surtout lorsque la rencontre n’est pas de son initiative. Il insiste avant tout sur cet important changement qui commence à s’opérer en lui : « Je sens le début d’une prémisse de personnalité », dit-il. Les idées et les sensations d’homosexualité se renforcent certes mais ce n’est plus un grave problème comme ça l’était auparavant. « Que ces idées se renforcent, ajoute-t-il, c’est un fait nécessaire pour que je puisse les aborder de face, de façon consciente et les attaquer correctement et efficacement. »
CONSTRUIRE SANS L’APPUI DU PÈRE : DU REJET DE L’HOMOSEXUALITÉ AUX PRÉMICES D’UNE TRANSFORMATION EN FEMME
Cependant, à la séance suivante, je le sens beaucoup plus inquiet. Il m’affirme que les idées d’homosexualité l’envahissent et recouvrent d’autres domaines encore : le domaine de la parole par exemple où il lui arrive, dit-il, de faire « des fautes de langage ». Dans un échange avec un collègue de son stage, il voulait désigner à ce dernier une case à cocher, mais il prononce « une case à coucher ». Cette faute l’a profondément angoissé et perturbé pendant toute la journée1.
Par ailleurs, il commence à constater que certains de ses gestes renvoient plutôt à des gestes de femmes. « Ce sont plutôt des gestes féminins et ça m’inquiète beaucoup », dit-il. Aussi, il me rapporte que parfois, il sent une certaine mollesse dans les muscles de ses cuisses et de ses jambes et il m’explique qu’en principe, ce sont les muscles de femmes qui sont mous et non pas ceux des hommes. Encore une fois, il dit préférer se suicider plutôt que se laisser succomber à l’homosexualité qui est contre-nature. Car « un homme, par nature, comme chez les animaux, ne peut être homosexuel ».
Devant cette protestation contre la déstabilisation de sa virilité et devant une telle insistance à écarter l’homosexualité, je lui ai posé la question de savoir ce qu’il en est des moyens dont il usait jusque-là pour cadrer quelques peu ces idées. Il m’apprend que de ce côté là, ça allait, sauf qu’il ne peut pas tout contrôler. « Les choses, dit-il, qui vous prennent par surprise comme le fait de croiser inopinément un homme, ça vous déchire le cœur ». Cela dit, ça se passe bien dans son stage, ce qui est très réconfortant. En dehors de son stage, il préconise l’idée de réduire ses contacts et aussi d’espacer quelques peu les rencontres avec ses amis.
Il écarte aussi les relations avec les femmes qui ne font que cacher la question de fond au lieu de la résoudre d’autant plus cela s’avère en contradiction avec ses principes religieux. Il est très croyant, me répète-t-il, et sa foi en Dieu est inébranlable. Il y compte beaucoup. Ça l’aide à être très patient devant cette épreuve et ça le rend endurant devant toutes les difficultés présentes et à venir. Ces qualités vont, dit-il, lui permettre d’attaquer le mal à la racine, même si cela demanderait un temps plus long en analyse. Il se met aussi à envisager l’idée de se lancer un peu plus tard dans une thèse de doctorat en communication. De cette manière, il se donnera, d’une part, le temps nécessaire pour faire progresser son travail analytique et, d’autre part, il se préparera sûrement à la vie professionnelle. Enfin et surtout, il s’attellera à construire de manière scientifique la théorie qui lui manque en matière de communication. Pour l’instant, il espère juste terminer sa formation professionnalisante et décrocher son diplôme d’études supérieures.
Lors d’une séance ultérieure, il arrive avec un trognon de théorie qui semble lui permettre de nommer et d’interpréter les phénomènes qui lui traversent l’esprit et le corps. Cette théorie est basée sur la notion d’inconscient2 qu’il utilise de manière fantasque, en une sorte de métaphore délirante censée prendre en charge ce qui l’insupporte pour le mettre en perspective. Il me lance en guise d’ouverture de cette séance : « Vous allez rigoler de ce que je vais dire, je pense avoir réussi à communiquer avec mon inconscient. J’ai réussi à faire dévoiler ce qui est caché, ces idées noires. Je découvre certains aspects des femmes. C’est vrai que c’est inquiétant, mais pour moi, c’est une satisfaction dans le sens où c’est à partir de là que je vais communiquer avec mon inconscient. C’est une satisfaction parce que cet aspect là, je l’ai découvert. Mais c’est vrai que vous ne savez pas ce que vous allez trouver devant vous. Je sais qu’il y a une partie de ma personnalité qui est l’ennemi. Pour moi l’inconscient c’est mon ennemi maintenant. »
Et il me décrit alors comment il procède pour communiquer avec son inconscient. Il a réussi, me dit-il, à énerver son inconscient. Il le prive de sommeil ou de nourriture quand il en réclame. « Chaque fois qu’il veut dormir, je ne dors pas. Je ne mange pas quand c’est lui qui veut manger. Parfois même je jeûne. Je lui coupe les sources. Si je lui donne ce dont il a besoin, il aura les capacités pour réfléchir. Je l’ai mis en position de défense. Car vous savez que tous nos actes conscients ont des racines inconscientes, ce n’est pas à vous que je vais apprendre ça. Donc, il a perdu le contrôle en fait. Cela veut dire qu’il ne sait plus ce qu’il veut. C’est pour ça, je pense, qu’il a dévoilé des aspects féminins. »
Le jour même de cette séance, il était en jeûne depuis cinq heures du matin et ne comptait manger que vers 22 heures. La semaine d’avant, il a jeûné 24 heures d’affilé. S’il fait cela, c’est parce que ça lui fait vraiment du bien et il ajoute : « Pour moi, c’est une question de détermination. Le problème c’est que l’inconscient – et vous connaissez beaucoup plus que moi la question de l’inconscient – risque de s’habituer à ces manières de le punir et de prendre d’autres formes d’expression. »
Dans les lieux du stage par exemple, cette expression se traduit pour lui en sensations physiques qui le gênent beaucoup. Ce sont, précise-t-il, « des sensations que seule une femme peut éprouver et qui essaient de s’imposer. Une sorte de transformation physique ». Mais alors, se demande-t-il, si c’est d’ordre physique, il doit y avoir pour ça des traitements médicamenteux ou hormonaux. Il a cherché à se renseigner sur cet aspect des choses en lisant des articles sur des cas d’homosexuels subissant simultanément des traitements physiques, psychologiques et hormonaux. Il conclue, néanmoins, en disant que tous ces problèmes sont en fait liés à la question de la maîtrise de son existence. « Le problème revient à une question d’image de soi. C’est la question de se sentir homme. »
À la séance suivante, il m’apprend qu’il n’a pas hésité à se positionner autrement par rapport à ses amis : « Avant, je me pliais à ce que eux décidaient et je ne faisais que suivre. Maintenant, je ne fais que ce que je décide moi-même. Parfois, il m’arrive d’adopter des actes contraires à leur attente, ne serait-ce que pour me prouver que je prends moi-même ma décision. Je pense que c’est très important parce que là je commence à sentir un vide en moi. Ça fait un écart qui me permet de prendre les décisions pour moi et non dépendre de la décision des autres. Ce vide introduit en moi est très important en ce sens. Il me permet de retrouver le contrôle. »
Ce vide que le sujet confronte ici est bel et bien celui relatif à la structure. Il est ce défaut qui fonde la structure du fait de la carence d’un signifiant sinon elle ne serait qu’un système clos, bloqué, ne laissant de fait aucun espace de liberté pour le sujet de l’inconscient. Le sujet comme on le voit ici, consiste à faire fonctionner de manière toute singulière, le manque qui fonde la structure. Le patient est ainsi invité à inventer ses propres moyens pour cela.
Il reparle alors avec détail des traitements qu’il fait subir à son inconscient pour qu’il le laisse tranquille. Pour forcer son inconscient à changer, il doit ne pas accorder à cet inconscient, la satisfaction de ses besoins élémentaires pour l’empêcher de penser à son avantage. Il le prive de nourriture, de sommeil, etc. Ce sont ses moyens à lui, estime-t-il, pour empêcher son inconscient de prendre le contrôle sur lui. Cette méthode l’aide, après tout, à être plus dynamique dans son travail de stage et aussi être mentalement alerte et physiquement reposé.
EN GUISE D’OUVERTURE
D’ores et déjà, on ne peut que remarquer que pour notre sujet se dessine le passage d’une crainte massive d’abus sexuel, d’un sentiment de terreur de se trouver soumis de force à la jouissance sexuelle de l’Autre, à une sorte de construction, somme toute délirante. Celle-ci lui ouvre la voie vers une possible négociation du trajet qui le mène de sa féminisation homosexuelle dépravante à un éventuel effet de « pousse-à-la-femme » qui, pour l’instant, reste de l’ordre de l’hypothèse.
« Avant, m’explique-t-il encore, je faisais de sorte que les autres soient contents de moi. C’était important pour moi que les autres me regardent. Et là je constate une analogie entre ça et la position des femmes, se sont les femmes qui aiment se faire regarder. Ça induit une allure et une position de vouloir plaire et ça est caractéristique des femmes en général. Il y a des hommes qui cherchent à plaire mais se sont les femmes en général qui s’habillent et se maquillent pour séduire. Pour moi, mon attitude c’est comme une drague en fait. Et pour moi c’est intéressant de découvrir ça. Comprendre ça, c’est déjà un point. Mais au niveau physique ça me gêne. Surtout quand je suis concentré sur quelque chose dans le travail par exemple. Quand je suis seul, il n’y a plus de problèmes mais c’est insupportable quand ça survient en présence de collègues hommes et parfois je me soustrais du groupe pour me soulager un peu. L’aspect positif est que maintenant je constate un vide que je suis en train de construire. C’est comme une personne qui comptait beaucoup sur son père et après la mort de celui-ci, il s’aperçoit que quelque chose manque. Lorsqu’il n’a plus ses habitudes et ses souvenirs, ça fait un vide. Le côté positif c’est que ça me permet de construire et la construction que je conçois me permet de combler le vide. C’est comme le garçon qui va construire sans son père. »
Lorsqu’il s’est mis à évoquer l’idée de vide et de construction, son langage devient labile. Ses propos s’écoulent dans une fluidité inaccoutumée. Un grand plaisir dans l’élaboration est parfaitement présent. Pas de trace de l’angoisse qui ne l’a presque jamais quitté depuis belles lurettes. Pas de fatigues physiques non plus. Les yeux brillent et le geste est alerte. On sent bien qu’il a attrapé une direction et montre effectivement qu’il a lancé les bases d’une construction.
En arrivant à la séance suivante, il m’informe s’être fait prescrire des médicaments qui l’apaisent, le soulagent des manifestations corporelles et aussi de l’angoisse qui en découle même si les idées d’homosexualité restent persistantes.
Aussi, il continue à fréquenter certains sites Internet en langue arabe pour trouver des informations et des solutions pratiques à ses tracas. Dans ce cadre, il me rappelle une thérapie cognitivo-comportementale suivie vers ses 18 ans dans son pays natal par un psychiatre qui l’a soulagé de ce que celui-ci a étiqueté sous l’appellation de phobie sociale. Il exprime son regret de ne pas avoir pu recourir, dernièrement, à cette thérapie puisqu’il a appris dans l’un de ces sites que pour les médecins occidentaux, l’homosexualité par les temps qui courent n’est plus considérée comme une maladie et de ce fait cette thérapie est utilisée dans le but de l’assumer. Ce qui n’est nullement sa perspective. Il m’explique qu’il va persévérer à tenter toutes les possibilités qui peuvent s’offrir à lui sachant que ce ne sont et ne peuvent être que des bricolages d’appoint qui l’aideront à se focaliser sur l’investigation à fond de sa problématique, et ce à travers les échanges de paroles que nous menons ensemble.
Pourtant, ces propos pleins d’entrain et de promesse vont faire de cette séance, à mon grand regret, la dernière de nos échanges qui ont duré deux ans et demi. Ce suivi s’est arrêté net ainsi pour des raisons, fort probablement (je ne peux l’affirmer), relatives à sa situation d’étudiant en fin de formation. Il était en attente, pour un stage de fin d’étude, de quelques réponses de certaines grandes entreprises parisiennes qu’il espérait positives. Se garantir un stage dans une des succursales parisiennes, estime-t-il, l’aiderai à décrocher facilement et rapidement un poste intéressant de retour dans son pays. Est-ce alors une de ces réponses tant attendues qui a fait que je n’allais plus le revoir, ni avoir de ses nouvelles, depuis plus d’une dizaine d’années maintenant ?