T. FAYÇAL - SOUROUR - Partie I - Ch. 1

 SASHA

 

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Je raccroche. J’espère de tout mon cœur qu’il ne soit pas un autre escroc comme les autres qui l’ont devancé. 

Je suis certaine que Najib n’a pas reçu son dû jusqu’à présent et je ne sais pas ce que je dois faire pour cela. Chaque fois qu’un journaliste reprend contact avec moi, l’espoir renait qu’il va réaliser ce dont j’avais échoué, mais les choses se terminent toujours par des tentatives de tromperie et d’escroquerie de leur part sans rien en échange. Et voilà un nouveau contact et un nouvel espoir, encore une fois. D’après le ton de sa voix, le journaliste paraît jeune. Son anglais est parfait. Parle de manière polie et réservée. Il me dire vouloir un entretien avec moi autour de Najib Sourour et autour de la période qu’il a passé à l’hôpital Abbaçya pour les malades mentaux. Le choix de son sujet accapare mon attention. Les mots qu’il profère me choquent quelques peu : « Hôpital pour malades mentaux ». Vise-t-il les quelques mois de la seconde moitié de l’année 1969 ? Je le questionne avec précision : 

- Penses-tu que Najib Sourour était fou ?

Au début, il se met à bégayer en proférant une parole confuse qui devient peu à peu précise pour évoquer avec ferveur sa conception de la maladie mentale et sa relation avec la création artistique. Il parle du génie et de la folie. Je m’apaise quand il donne l’exemple de Gogol et je m’apaise encore plus lorsqu’il répète la même expression que j’avais entendu le jour du décès de Najib, de la bouche du Docteur Jalal SAÏ lorsque nous nous sommes rencontrés par hasard à Al-Hussain en l’an 1980. 

- Le malade de schizophrénie, chère Sacha, n’écrit pas de pièces de théâtre. Le malade de schizophrénie ne peut pas imaginer une œuvre nécessitant sur une construction complexe comme celles pratiquées par Najib Sourour dans ces œuvres théâtrales.   

 

Bon. Je n’étais pas en Égypte à ce moment-là, mais je n’ai pas vu d’inconvénient à ce qu’on se rencontre. Je lui pose la question sur le lieu et il propose qu’on se retrouve dans le café « Riche ». Je ne supporte plus la vue de cet endroit. Au début, j’y ai vu Najib tantôt l’air perdu et l’esprit dispersé tantôt impulsif et en dispute avec les intellectuels qu’il ne supportait guère. Par la suite, je m’y étais attablée avec les escrocs parmi les Égyptiens dont tout ce qui les intéressait était de gager de l’argent sur le dos de Najib par la vente de ses livres après sa mort. J’ai donc proposé à mon interlocuteur de nous rencontrer à l’hôtel « Le Caire ». Il semble ne pas le connaitre mais il affirme pouvoir arriver au Rendez-vous précis. Nous verrons alors si, pour une fois, un Égyptien peut être précis dans ses rendez-vous.

 

Je t’en supplie, jeune journaliste, ne soit pas parmi les escrocs et essaie, s’il te plait, de rendre au grand disparu, son droit bafoué.

 

 

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Je vais te rappeler les dates avec précision et essaie de les enregistrer exactement, s’il te plait.

Je suis venu en Égypte deux fois. La première après la mort de Nacer et la seconde après neuf jours de la mort de Najib Sourour. Nous nous sommes mariés le 23 mai 1916. Shouhdi est né 12 janvier 1962. Puis Najib est parti en Hongrie et ensuite en Égypte le 17 février 1963…. Bien, je ne vais pas t’embêter avec les dates dès notre première rencontre. On va laisser cela au temps et je vais te raconter l’histoire depuis ses débuts. 

 

Lorsqu’on me présente on dit : « madame Sacha, l’épouse de Najib Sourour » puis on ajoute, s’imaginant gagner ainsi plus de précision : « son épouse russe ».  A ce moment je ressens une envie de rire. Combien ils ne comprennent rien à rien ! Et d’abord Najib a-t-il épousé une autre que moi pour qu’on se trouve obliger d’ajouter cette précision bête ? Lorsque je l’ai vu pour la première fois à la Faculté des Lettres et des Langue à Moscou, j’ai compris qu’il est pour moi. C’est le même sentiment que j’ai éprouvé lorsque j’ai jeté un premier regard sur mon fils Shouhdi lors de sa naissance à Moscou. C’était un sentiment d’amour, de joie et un sentiment d’envie de l’étreindre à en pleurer pour lui. C’était la conscience d’une énorme responsabilité que tu portes sur les épaules et la conscience que maintenant, khalas, tu ne plus y échapper. Najib mon mari, étais mon fils. Il était ce noble cavalier brun, venu par erreur dans ce monde. C’était cet homme fin qui n’arrêtait pas d’invectiver et de se bagarrer.  On a beau dire que si Najib se bagarrer moins avec les autres, sa vie aurait pu couler plus paisible et plus organisée. On a beau dire aussi que s’il ne s’abimait pas dans la consommation d’alcool, il aurait pu éviter lui-même sa propre destruction.  On a beaucoup dit de ce qu’on a dit je ne pouvais que rire. Tous ceux qui écrivent sur lui dans les journaux ou qui parlent de lui dans les émissions, tous, tous sans exception, ne savent pas qui est Najib Sourour. Tandis que moi, moi ne sais pas plus que ce que j’ai conne de cet homme, ma difficulté de parler la langue arabe m’empêche de parler et de dire aux gens ce qui s’est passé. 

 

Puis vient ce jeune homme qui m’appelle au téléphone et me demande avec toute tranquillité de lui raconter ce qui s’est passé par ce qu’il écrit un livre sur Najib Sourour et sur la période qu’il avait passé dans les hôpitaux psychiatriques !

 


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Tout le monde s’étonnait de ses comportements bizarres, sauf moi. Je n’en ai jamais été surprise. C’est peut-être pour cela il me disait (Je ne sais pas s’il en était heureux ?) : « Sacha, tu es la seule dans ce monde qui me comprends ».

 

Je me souviens lors de sa mission à Moscou, lorsqu‘il a frappé cet officier et a passé la nuit en rétention. Je l’ai vu à sa sortie, alors que nous n’étions pas mariés encore. A l’instant où il m’a vu, il baissé la tête comme un petit garçon sur le point de pleurer. Je l’ai pris dans les bras et il murmura à mon attention :

- Je ne pensais pas que tout cela aller arriver. 

Tandis que moi je savais. Depuis que je l’ai connu, je savais que tout cela aller arriver. Alors, que veux-tu que je te raconte, Monsieur le journaliste égyptien, venu de nulle part ?

 

Nous avions vécu deux années, en Union Soviétique, dans un semblant de stabilité, malgré les difficultés qui survenaient entre lui et les collègues de sa mission, et malgré les confrontations politiques et ce qu’elles exigeaient comme prix à payer pour soutenir et défendre ses positions.  Ensuite, il a migré en Pologne à l’occasion d’une offre de travail à la radio. Auquel s’ajoute son sentiment de l’inutilité de poursuivre ses études, d’autant plus que grâce à ses dons exceptionnels, il dépassait tous les enseignants et professeurs qui ne trouvaient quoi lui apporter de plus et de mieux. C’est bien là le problème éternel de Najib. Il comprend tout très vite, voit ce que les autres ne voient pas, perçoit la vérité très tôt puis se trouve solitaire, enfermé dans la solitude de sa perception. 

Il est parti vivre en Pologne quelques mois qui sont devenus les pires mois de sa vie : ceux qui le haïssent se mettent à conspirer contre lui, jalousant ses dons et enviant ses progrès à la radio arabe là-bas. De là-bas on l’a renvoyé par la suite en Égypte. A la suite de quoi il m’a dit qu’il allait revenir et qu’il fallait que je l’attende. Moi, je l’ai cru. Mais où peut-il allez sans moi et où puis-je aller sans lui ? N’a-t-il toujours pas dit que je ressemble à Osiris ? N’a-t-il pas écrit pour moi son poème « bienvenue Oh joie » et que j’ai appris tel qu’il me l’a traduit en Russe et dont j’ai appris par cœur les dessins de son écriture en arabe. Ce poème me l’a spolié ce docteur escroc à l’Institut des Arts du Théâtre, prétextant en insérer une copie avec d’autres feuilles. Mais il n’a écrit pas son prétendu texte ni ne m’a rendu le poème, bien évidemment :

 

J’ai traversé mil mers, mil déserts et suis venu….

 

Oui, j’étais sa joie après une tristesse d’un quart de siècle. Une joie l’extirpant de village oppressant, de son père autoritaire, de son frère haineux, du Maire injuste, de Nacer qui l’a trahi, des renseignements qui n’ont cessé de le poursuivre et de ses collègues qui l’ont abandonné pour qu’il soit jeté dans l’hôpital des fous (des possédés comme il disait). De tout cela il ne cessait de répéter avec ironie : (………).

 

Que dieu ait ton âme, Najib. Ton unique problème est que tu étais un prophète, le ciel a voulu qu’il descende parmi un nombre d’ignobles.

 


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J’ai bien ri lorsque j’ai reçu la nouvelle de son mariage d’une actrice égyptienne. C’est vrai qu’il n’a pas demandé de mes nouvelles ni de celles de Shouhdi, durant toute cette période. Mais je savais que son absence n’était qu’une procédure temporaire et que son fameux mariage ne durera pas. On dit qu’il est devenu une étoile à ce moment-là : radio, télévision et théâtre. Mais moi, je n’ai rien vu de tout cela. Je n’ai vu que lui le pauvre. Je l’ai vu, comme il disait lui-même, dans l’état d’Osiris qui attendait Isis pour rassembler ses morceaux. En tous, ses jours heureux n’ont pas duré longtemps. Il s’est confronté plus d’une fois aux forces de sécurité puis a subi leur conspiration qui l’a conduit à l’Hôpital Abbaçya dont il s’en est sorti par miracle. Il ne s’en serait pas sorti sans le recours de son père et du Docteur Jalal Sebaï. A ce moment, j’ai appris des Égyptiens de Moscou qu’il était en crise et je lui ai télégraphier mon arrivée. Y’avait-il d’autres choix ? 

Oh ! Mon Dieu, combien de moments difficiles avions-nous passé après mon arrivée en Égypte la première fois, en octobre 1970 ? Nous nous sommes déplacés d’un endroit à l’autre et nous avions passé des mois noirs dans son village parmi les cultivateurs dont je n’ai pas cru au début qu’ils étaient les siens. Lorsque tu vois Najib en train de jouer un rôle (Laissons de côté ses grandioses pièces de théâtre et regarde le même dans un de ses simples films comme « La belle Aziza » avec cette actrice blanche, Hind Rostoum, tu vas être étonné de ce noble prince qui a réussi, par son don et malgré son jeune âge, de voler la caméra de Choukri Serhane, le lourd-ding dont je n’arrive pas à comprendre pourquoi les gens le considère La grande star du cinéma à l’époque). Contemple bien le jeu d’acteur de Najib, ce beau brun qui ressemble aux Héros des légendes, et essais de comprendre comment peut-il être un des descendants de cette famille horrible et de ce village plongeant dans la boue et de ces gens qui, avec leur manière de se disputer, leurs blagues pourries, et leur style répugnant. Il est impossible que Najib en soit un des leurs.

Au Caire, nos conditions de vie étaient très difficiles. Il était sans travail et toutes les portent se ferment à son visage. Après la guerre d’octobre, nous avons quitté le Caire pour Alexandrie et nous sommes installés. À ce moment-là, il quittait l’appartement et se dirige vers le café Ala Kifek à Manchia. Il y allait portant des vêtements déchirés et des chaussons aux pieds. Il riant avec les gens, les faisait rire et dansait parmi eux. Il ne pouvait supporter la vie loin des gens et loin des applaudissements. Il faisait comme s’il répondait à ceux qui l’empêchaient de jouer ses rôles d’acteur, en transformant la rue en une énorme scène pour son théâtre transportable et pour son génie débordant. Il sortait de Ala Kifek, entouré d’un petit attroupement de spectateurs. De temps en temps il enlevait son chausson et le jetait sur l’une des images placardées dans l’avenue du Président Sadat qui a vendu l’Égypte aux juifs. Et au bout de la nuit, il revient à moi habillé d’une peau de mouton. Je n’ai jamais réussi à savoir d’où il allait la dénicher. 

 

***

 

Plaisait-il à Mochira Mouhsine de descende de chez elle l’accueillir lors de son retour du service de Police Manchia alors qu’il portait la peau de mouton pour danser dans les rues ? Celle-ci dont on prétend qu’elle l’a épousé, ne l’a connu qu’en tant que star du théâtre, au zénith de l’Égypte des années soixante : cinéma, livres, émissions radiophoniques, écriture, poèmes et mises en scène. Mais Najib fragile et faible, Najib nécessitant quelqu’un pour lui donner ses médicaments et supporter ses cris et ses plaintes, qui pouvait faire cela si ce n’est quelqu’un qui connait au préalable ce qu’il fait, quelqu’un comme moi qui n’est pas surpris de ses agissements. Qui d’autre pouvait donc supporter tout cela sauf moi, Sacha.


 

- 5 -

 

 

Laisse-moi t’expliquer une chose ; tout ce qui se dit sur Najib est faux. Malheureusement, les gens ne connaissent de lui que son poème : « Oummiates » et quelques calomnies et des insultes. Toutes les histoires répandues sur son compte ne sont que de purs fantasmes dans l’esprit de ses ennuis, voire de ses amis. Premièrement cette histoire de son alcoolisme. Moi je suis russe, du pays de l’alcool et je suis donc mieux placée pour juger du degré de l’alcoolisme d’un homme. Je me souviens de nos premiers jours en Russie et de son dégout de l’alcool et de ses odeurs (et je me souviens aussi de mes collègues femmes à l’université qui me ravissait mon fiancé qui ne buvait une goute). Et même lorsqu’il a commencé à boire par la suite, il ne s’approchait des alcools fort tels que la vodka ou le cognac. Il ne goutait que la bière et encore. L’unique bouteille commandée reste devant lui sur la table à longueur du temps. Najib ne buvait jamais beaucoup mais il se considérait ivre et veillait à ce que les autres autour de lui en soient convaincus. Il ne faisant jamais exception à cette règle et il ne lui arrivait que très rarement effectivement de boire beaucoup. Mais comme disent les Égyptiens « c’est le destin ». 

 

On a dit aussi qu’il était fou. Mais que savaient-ils eux sur la folie et sur la vie avec les fous ? Que savent sur l’écriture et sur le génie ? Qu’avaient-ils lu de Dostoïevski et de Gogol ? Et que savent-il du terme schizophrénie ? (Qu’ils prononcent « chizophrénia » mais quand tu essaie de leur montrer la prononciation correcte, ils se regardent souriant en se moquant de toi, comme si j’étais folle).

 

Je me souviens du jour où j’étais aller rendre visite à Najib à l’hôpital Mamoura à Alexandrie, là où le Docteur Kamal Fawwal l’a invité et s’est chargé de son traitement. Là, à cette époque, l’état de santé physique et psychique de Najib s’est amélioré considérablement. Je m’en souviens. Farid mon fils était avec moi aussi (oh mon Dieu comme il était beau avec ses cheveux blonds et doux et ses joues rouges biens pleines !). Najib s’est mis à jouer avec lui et me parlait de sa nouvelle pièce de théâtre : « d’où puis-je venir des gens » qu’il a écrite en deux semaines et qu’il vient de terminer à peine. Il m’en a lu une scène géniale sur « Naïma et les sorcières » (dont il m’a dit que c’était moi qui la lui inspiré), puis il m’a dit avec un regard spiegel : 

- Sacha, attends un peu, je vais te montrer quelque chose.

Il tire la commode vers lui, sort le tiroir du bas et le retourne. J’en été choquée.

- Najib, qu’est-ce que c’est ?

Il y avait des tas de pilules qui trainaient au fond du tiroir. Je le questionne :

- Ce sont tes médicaments ?

Il me répondit, que Dieu ait son âme, avec le ton de sa voix qui le caractérise :

- Sacha, je ne suis pas fou pour prendre des médicaments. Je ne les ai pas pris depuis six mois et rien ne s’est passé. 

Puis, il lève très haut un paquet de feuilles manuscrites en criant :

-Sacha, les fous ne peuvent pas écrire les pièces de théâtres.

Très abusé, il ajoute : 

- Cet âne de Docteur qui s’appelle Abdessalam Mouhsine avait diagnostiqué mon cas à Abbassya en 1969 et a décrété que j’étais malade de dissociation. Nul n’a pas m’extirpé de leurs accrocs que mon ami Jalal Essaï. Comment un malade dissocié peut-il écrire une pièce de théâtre ? Comment peut-il écrire une œuvre critique ? Comment peut-il tenir debout pour présenter une mise en scène d’un roman ? Le malade dissocié est incapable de synthèse ni d’apercevoir les relations internes d’un œuvre. Mais que peut-on dire ? C’était un âne convaincu d’être un Docteur. Même le Docteur Kamal Elfawwal pensait avoir compris mon cas et croyait pouvoir me soigner. Néanmoins, il était plus clément que les autres. Sacha, je ne suis pas malade. Je ne suis pas fou. Mon ami Jalal Essaï me l’a bien confirmé. 

 


- 6 –

 

 

C’était sa manière de parler. Il avait horreur de tous ceux qui prétendent pouvoir dire tout sur tout alors qu’ils ne comprennent rien de rien. Particulièrement ceux qui parlent de l’art sans avoir aucune relation avec. Ça l’énerve énormément et le met hors de lui. Il m’est arrivé de le voir très affecté par un mauvais article journalistique ou une mauvaise pièce de théâtre. A certains moments, je ne comprenais pas ce qu’il disait, mais je sentais ce qu’il sentait, je souffrais ce qu’il souffrait et je riais de ses expressions intelligentes et moqueuses. La période qu’il avait passé à l’hôpital Maâmoura était la meilleure et la plus stable

 

Puis c’était notre retour au Caire en 1975.

 

Lui est revenu à l’enseignement. C’était le métier qu’il chérissait autant que l’écriture et ses rôles d’acteur à l’Institut Supérieur des Arts du Théâtre. Puis il fut chassé par Rachad Rouchdi de sa fonction sous prétexte d’être communiste. Moi aussi j’étais chassé de mon travail en tant qu’enseignante d’anglais dans cette école pourrie dont je ne me suis satisfaite que pour notre besoin impérieux d’argent. Nous avions passé notre vie dans un logement dont fait défaut tout ameublement. Nous y subissions les invectives du propriétaire, l’affronterie du marchand et les cris de faim de Farid, notre dernier. Puis Shouhdi est tombé malade de la tuberculose mais notre seigneur l’a préservé, hamdoullah. 

Nous avons par la suite occupé successivement plusieurs appartements et au final nous avions partagé celui d’un étudiant lybien qui adorait Najib Sourour. Puis nous avions fini par arraché un bout de l’héritage de Najib avec lequel Abdou Jabir nous a dégoté l’appartement de Jiza.

 

Nous n’avions aucune rentrée d’argent. Najib pestait et hurlait mil fois avant de descendre et aller enregistrer une émission radiophonique qu’il n’n’aimait pas du tout mais obligé pour pouvoir acheter une brique de lait pour le petit Farid. Et même quand il obtempère et accepte d’y aller, il ne revenant que très tard, une fois qu’il passe par le café Riche où se retrouvent les prétendus intellectuels égyptiens. Il s’attardait souvient soit avec le rempli de haine Amal Danqal ou bien avec Najib Mahfoud le loup – comme il aimait l’appeler - ou bien avec Fouad Najm dont l’unique passion de sa vie n’est autre que la fumette.

 

***

 

 

On a dit de lui qu’il était combattant. Dommage qu’il ne le fût pas assez pour pouvoir arrêter de boire de la manière qui l’a emporté avant terme. Et si Najib fumait du Haschich à l’instar de ce diable de Fouad Najm, au lieu de boire cet alcool qui l’a complétement démoli, il serait peut-être encore parmi nous. Mais c’est ainsi, c’est le Maktoub. 


 

- 7 –

 

 

Je n’ai pris conscience de l’avoir perdu qu’au moment où je suis venu le voir à l’hôpital et l’ai vu parler avec le médecin. J’ai réalisé que quelque chose a disparu : Il ne parle à personne, médecin ou pas, de la cassure qui est survenue en lui. Je l’ai vu cette fois, en train de demander l’avis de médecin sur de petites choses, sans réponde avec son humour sarcastique habituel, sans ses observations intelligentes qui te le font aimer dès sa première fréquentation. Là, je n’ai plus retrouvé Najib que j’avais rencontré ce printemps de 1959 à Moscou. Il est devenu de simples restes et j’ai compris sur le moment pourquoi m’avait-il lu l’autre jour, cette scène de sa pièce « d’où ferai-je venir des gens ? », la scène où Naïma essaie de rassembler les moreaux de Hassan. Hassan c’est Osiris et Osiris n’est autre que le prophète Najib Sourour dont les égyptiens n’ont as pas supporté la présence parmi eux et ont décidé de le tuer et marcher derrière sa dépouille. 

 

Je n’avais pas d’autre solution. En 1978, Il me fallait faire rentrer Farid et Shouhdi en Russie. Ce dernier devrait rejoindre l’école secondaire là-bas. Je savais que j’allais ainsi laisser Najib entre des mains pas sûres. Mon cœur a fondu à l’instant de quitter l’aéroport. Mais je ne m’attendais pas à recevoir, si rapidement, la nouvelle de son décès entre les mains de Tharwat, moi qui ai dépensé toute ma vie pour lui. 

 

Je suis revenu en Égypte le 6 novembre 1978, après cinq mois de séjour en Russie. Et depuis, 9 jours chaque fois que je me rappelle que je n’étais pas présente lors de son décès, mon cœur se serre et je me trouve tenaillée d’une douleur infinie. 

 

Ainsi donc ce grand artiste, que Dieu ait son âme et ainsi son histoire. Tâches, jeune journaliste d’être honnête dans t façon de raconter cette histoire aux gens qui, malheureusement, ne connaissent pas Najib Sourour.


 

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